High on the Hog : l’héritage culinaire qui a façonné l’histoire afro-américaine.

Saviez-vous que les premiers traiteurs aux États-Unis étaient issus de la communauté noire ? Que les chefs cuisiniers de Thomas Jefferson et George Washington étaient des esclaves renommés pour leur talent ? Que beaucoup de plats afro-américains sont directement hérités des traditions culinaires béninoises et ouest-africaines en général ?
La réponse à ces questions est probablement non – mais ce n’est pas le plus important. L’important c’est que High on the Hog – un documentaire culinaire et culturel produit par Netflix et disponible depuis le 26 mai 2021 – réserve plein d’enseignements et de surprises qui vous laisseront reconnaissants. Ou affamés.

Started from Benin now we here.

La Part du Lion – titre français de High on the Hog – nous embarque dans un voyage qui commence dans un tout petit pays d’Afrique de l’Ouest : le Bénin. Stephen Satterfield est notre guide et camarade d’aventure tout au long de ces 4 épisodes d’une heure chacun. Ce chef et écrivain gastronomique noir américain nous emmène dans sa propre quête des origines de la soul food (la cuisine afro-américaine) qui a tant influencé l’ensemble des États-Unis. Le documentaire réalise alors une prouesse : retracer l’histoire des afro-américains en parlant presque exclusivement de nourriture.
À travers l’oeil d’experts du domaine comme Jessica B. Harris (autrice du livre High on the Hog) et Karelle Vignon-Vullierme (bloggeuse culinaire renommée d’origine béninoise), High on the Hog nous montre toute la richesse de la cuisine béninoise, ainsi que son impact considérable sur l’alimentation des noirs américains et le développement global des États-Unis.

Sans ces êtres humains arrachés à leur terre natale, depuis la si bien nommée «Porte du Non Retour» à Ouidah, beaucoup de régions des États-Unis n’auraient pas connu la même prospérité. On pense notamment à la Caroline du Sud, qui doit son incroyable croissance économique au succès du Carolina Gold, un riz cultivé grâce à la maîtrise de la riziculture par les esclaves ouest-africains. L’audience découvre ainsi que le statut de «grenier du monde» dont les États-Unis jouissaient au XXe siècle était entièrement dû au labeur et à l’expertise des esclaves, et que la soul food est à la base des plats les plus raffinés. Mais on voit également que la majorité des américains ignorent ces faits – «whitewashés» depuis longtemps. 

(De G à D) Stephen Satterfield et Eric Kiki (guide originaire de Ganvié). Episode 1 : « Roots ».

Pourtant, la «soul food» porte bien son nom : elle est le lien avec les ancêtres, mais aussi avec les générations futures. En traversant l’Atlantique pour aller goûter de lui-même les plats dégustés au Bénin avant la traite négrière, Stephen Satterfield se reconnecte avec un passé inconnu et une part de lui-même qu’il avait toujours recherchée – et cela donne lieu à des scènes particulièrement émouvantes. Sur ce point, High on the Hog a réussi à nous faire couler une larmichette, on l’admet (sortez les violons, siouplait).

High on the Hog retrace l’alimentation des esclaves pour leur rendre leur humanité

Le porc, le riz, le gombo, le crabe, la patate douce : autant d’aliments qui nous sont aujourd’hui acquis mais qui étaient tout ce à quoi les asservis avaient droit. C’était leur chemin vers un peu plus d’humanité et de bien-être. Ainsi, par un acte aussi banal que celui de manger, les esclaves ont fait perdurer des siècles de savoir-faire agricole et culinaire. Ils ont réussi à créer leur propre cuisine – tellement délicieuse et originale que les maîtres des plantations ont voulu la servir à leurs tables. Comme Thomas Jefferson, 3e président des États-Unis, qui était si conquis par les talents culinaires de son esclave James Hemings qu’il l’a emmené avec lui à Paris pour qu’on lui enseigne l’art de la cuisine française.
Né en esclavage et mort peu de temps après son affranchissement, James Hemings a eu un tel succès auprès de la haute société conviée chez son maître qu’il a inspiré par la suite des générations de chefs, traiteurs, et autres amateurs de bonne cuisine aux États-Unis. Mais ce contributeur à la richesse culturelle des USA a été complètement effacé des livres d’histoire et de cuisine. Comme tant d’autres Noirs avant et après lui.

C’est cette injustice que le documentaire dénonce : alors qu’ils sont écartés de tout ce qui forge aujourd’hui la culture et l’histoire des USA, les afro-américains ne peuvent plus récolter les lauriers de leur créativité et de leur savoir-faire. Pourtant, loin de se laisser abattre, beaucoup d’entre eux (comme les Gullah) continuent de faire vivre leur culture et de la partager autour d’une cuisine généreuse, à la fois traditionnelle et modernisée. High on the Hog nous montre donc comment les esclaves africains transformaient des restes de misères en plats nourrissants et conviviaux. Loin de se contenter de leur statut inférieur, ils avaient trouvé le moyen de faire perdurer les coutumes et les valeurs de leurs ancêtres : la résilience, la solidarité, le partage. Et une bonne dose de classe, il faut bien l’admettre.

« Our story is America»

Tout au long des quatre épisodes, on salive face à des mets qui ont l’air plus délicieux les uns que les autres. On rêve d’être à la place de Stephen ou de ses nombreux interlocuteurs, et on se promet de tester le restaurant que Mary J. Blidge et Angélique Kidjo ont ouvert ensemble à Dallas.
(Non, ça c’était juste une blague. Histoire de tester votre attention). 

Mais très vite, on réalise que High on the Hog n’est pas qu’un documentaire sur la gastronomie – et c’est ça qui est génial. La série Netflix dévoile le lien fort entre la culture (notamment culinaire) des Noirs américains, et la construction des États-Unis en tant que nation. Comme le dit si bien Stephen Satterfield après 4 heures à nous donner envie : «our story is  America». De la même façon que l’histoire du dur labeur des esclaves noirs a façonné l’histoire des USA, la soul food, si souvent considérée comme peu distinguée, a façonné la gastronomie américaine. Au final, nous emmener dans ce voyage en mettant l’histoire culinaire au premier plan était un excellent moyen d’aborder des sujets délicats de façon pédagogique.
High on the Hog rappelle également un détail important : à partir des restes que leur jetaient leurs maîtres, les anciens esclaves noirs ont su créer des plats étonnamment raffinés. Ils ont transformé ces miettes en part de lion. Et aujourd’hui, alors que ces accomplissements sont lentement effacés, les afro-américains continuent de redoubler de créativité pour s’élever, grâce à la gastronomie ou via d’autres disciplines. 

Un aspect du documentaire qui a particulièrement conquis le MiamShow, c’est l’importance de la célébration des ancêtres et des racines tout au long de la narration. High on the Hog rend hommage aux traditions africaines qui ont permis aux esclaves de tenir le coup en terre hostile, et qui encore aujourd’hui influencent l’art culinaire et la culture afro-américaine en général. Et rien que pour ça, ce documentaire vaut le détour.

PS : Cet article vous a donné faim et vous avez envie de (re)découvrir des recettes afros ? Jetez un coup d’oeil juste ici, ça pourrait vous aider ! 
On vous dit à bientôt pour la prochaine découverte !

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