Hadey Niamakessy : On m’a appris à penser au delà du plat, à raconter une histoire…
Avant d’être chef cuisiner, je dirais qu’Hadey Niamakessy est un artiste. Du haut de ses 48 ans, il a gardé l’allure cool des années 90/2000, époque à laquelle il devient chef cuisinier pour la première fois, à 23 ans. Il baigne depuis dans la haute gastronomie, mais aussi la musique, l’art en général.
Hadey Niamakessy est donc chef cuisinier, traiteur, food designer, consultant et entrepreneur.
Aujourd’hui, il est à la tête d’une entreprise de traiteur qui s’appelle Le Temps d’une Pause, où il propose une cuisine aux influences multiples : françaises, italiennes, thaïlandaise, africaines …..
Il réussit à la perfection la queue de bœuf et adore se faire cuisiner le saka – saka [1].
Apprenons à le connaître.
Comment tu as démarré dans le milieu ?
J’ai démarré ma carrière et mon apprentissage dans un restaurant italien où j’ai travaillé pendant deux ans. Ensuite, je suis passé commis de cuisine chez Ladurée, puis chef de partie.
La liste des établissements qui suivent est longue : Franck & Fils, Café Celio, La Ferme Opéra, Botega, Le Bistrot Romain des Champs Elysées, etc. C’est au Café Celio que je deviens chef pour la première fois. J’avais 23 ans. Ça m’a donné une expérience de dingue de commencer aussi jeune !
Mais c’est au Bistrot Romain que j’ai pris la pleine mesure de ce que représente la responsabilité d’un chef : On faisait 3000 couverts par jour. J’avais 30 personnes à gérer en cuisine, la logistique, les fiches techniques, l’achat des produits de saison, le coût matière, les formations, etc. C’était colossal, je n’avais jamais vu ça.
Tu as donc plus de 20 ans ton actif …
Oui ! 20 ans dans la food et la restauration en général.
J’ai eu le grand privilège de former des apprentis et de les mener jusqu’au bout de leurs objectifs.
J’ai aussi été, et suis toujours d’ailleurs, consultant culinaire pour plusieurs restaurants : thaï, juifs, italiens, etc. Cela me donne une démarche un peu différente des cuisiniers, car il faut interpréter et comprendre les besoins d’un autre type de client. Rechercher en permanence, s’inspirer pour proposer quelque chose qui séduise. Ça me plaît.
Qu’est ce que tu retiens particulièrement de ces 20 ans de carrière ?
Énormément de choses. Mais deux sont très importantes.
La rigueur, puis l’excellence dans tout ce qu’on fait : on m’a appris à penser au-delà du simple plat, à créer et raconter une histoire avec ce plat, savoir le dresser, ne faire aucune erreur, ne pas perdre une miette du produit…
Mais je retiens aussi l’extrême liberté que j’ai eu dans toutes les endroits où j’ai travaillé. J’avais quasiment toujours carte blanche pour travailler des produits frais et de qualité, à ma façon.
Aujourd’hui tu assures le service traiteur avec ta société Le Temps d’Une Pause …
J’ai une clientèle plutôt éclectique. Une partie d’entre elle peut être qualifiée de haut de gamme, car j’ai travaillé dans ce milieu : 8ème, 9ème, 16ème, Boulogne Billancourt, etc.
La seconde partie est une clientèle plus classique, des épicuriens qui aiment se faire plaisir.
Mais de manière générale, c’est une clientèle qui par curiosité a envie de découvrir les cuisines d’ailleurs…
Et donc les cuisines afros également …
Oui tout à fait !
Et de toutes manières dans ma démarche culinaire, j’ai toujours été pour le mélange : celui des saveurs évidemment mais aussi celui des cultures. Par exemple, mes plats sont toujours épicés. Cela leur rajoute du caractère. Mais attention, épicé ne veut pas dire pimenté !
J’ai fait des cuisines dans tous les sens : italienne, mexicaine, française, et aujourd’hui je me concentre un peu plus sur la cuisine africaine, je l’inclus plus largement dans mes propositions.
J’aimerais plus tard ouvrir un restaurant africain chic qui réunirait toutes les nationalités.
Tu réponds quoi à ceux qui estiment que tes services sont chers ?
Que l’approche est la suivante : le bon produit et le produit frais. Ce n’est pas vraiment le prix qui peut poser problème, c’est surtout la qualité du produit. Et la qualité a un prix, c’est important que les gens en aient conscience.
On fait tout pour satisfaire nos clients. On peut ajuster le prix en allant chercher des produits un peu moins nobles. Le foie gras n’a pas le même prix que le blanc de poulet, mais on peut faire des choses extraordinaires avec les 2 produits.
Quels sont tes projets dans le futur ?
Un concept street food hybride : des produits frais, mais cuisinés rapidement, un voyage entre plusieurs cultures culinaires, le tout à des prix abordables, à la hauteur d’un ticket resto. Un coin où on mangerait le midi, en faisant des rencontres et en profitant de la musique qui baignerait dans la pièce.
Hadey Niamakessy a assuré le food stylism dans l’épisode 1 de Ma Plus Belle Histoire de Food, notre mini-série qui raconte les plats afros avec poésie.
[1] Feuilles de manioc pilées et cuisinées qui se mangent dans toute l’Afrique Centrale, l’Afrique de l’Ouest, dans les Comores et à Madagascar. En RDC, le plat s’appelle Pondu