Moriba Ouendeno : J’ai créé Moriba en sachant que nous étions en avance sur notre temps. Je suis heureux d’avoir ouvert cette brèche »

Nous avons eu la chance d’interviewer Moriba Ouendeno, l’homme à l’origine de la marque d’épicerie fine africaine du même nom. Derrière les jus, les confitures et les sauces que propose la marque depuis 25 ans, nous découvrons un homme humble qui se livre très peu sur lui-même, mais qui consacre sa vie à hisser les saveurs africaines vers les plus hauts sommets. 

Il y a 25 ans lorsque commence votre aventure, l’épicerie fine africaine est un marché inexistant. Aujourd’hui le marché est en plein essor.  Quel est votre ressenti par rapport à cette évolution ? 

Je pense que le marché est en pleine croissance et qu’il va continuer à croître. Aujourd’hui le voyage culinaire a plus de notoriété qu’il y a 25 ans et les gens sont prêts à découvrir les saveurs propres à l’Afrique.
J’ai créé Moriba en sachant que nous étions en avance sur notre temps. Nous étions pionniers et je suis heureux d’avoir ouvert une brèche et d’avoir  inspiré de manière directe ou indirecte les personnes positionnées sur ce marché aujourd’hui.
Je visais des personnes qui ne connaissaient pas l’Afrique, celles qui voulaient consommer africain, mais qui avaient peur de cette culture. L’ancienne génération africaine savait où se servir et de ce fait, ne constituait pas notre cible. J’avais confiance dans les produits ethniques africains et je me suis lancé.

Qui consomme vos produits ?

Au début, les produits attiraient essentiellement les blancs. Il existait beaucoup de doutes sur l’origine des produits. Les africains pensaient que les produits ne venaient pas d’Afrique et n’étaient pas fabriqués par des africains. Pour eux, la marque ne leur était pas destinée. Aujourd’hui, la clientèle s’équilibre, la jeune génération, les enfants africains nés en France représentent aujourd’hui une partie importante de notre clientèle, l’autre part étant des étrangers.

Vous n’avez jamais changé la saveur d’origine des produits, alors que beaucoup de marques choisissent d’alléger le goût de leurs produits, pour l’adapter aux palais. Pourquoi  ce choix ?

J’ai voulu rester authentique. Ceux qui veulent découvrir l’Afrique doivent la découvrir telle qu’elle est. Nous n’allons pas changer notre continent pour faire plaisir aux gens. Nous voulons montrer notre savoir-faire, notre vision, tout en intégrant le même niveau de qualité et d’exigence que les autres.  Ça n’a pas été facile, les gens ont essayé de me dissuader de garder ces goûts marqués. Mais 25 ans plus tard, je ne regrette pas ce choix.

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Lorsqu’on entreprend dans l’épicerie fine africaine quel est le plus gros challenge ?

Le sourcing des produits était le plus gros problème au départ, parce que les produits n’étaient pas prêts… A l’époque, il fallait regrouper des coopératives et sélectionner les meilleurs produits. Trouver les coopératives n’était déjà pas une mince affaire.
Il fallait rassurer les clients sur la qualité  : ce n’est pas parce qu’un produit est africain qu’il ne respecte pas les normes européennes. En Afrique, nous avions donc un problème pour sourcer les produits et ici, nous n’avions aucune machine adaptée à nos produits locaux. Dieu merci, les choses se sont beaucoup améliorées.

Depuis 2006, vos produits sont labelisés bio, pourquoi c’était important pour vous de passer au bio ?

A cause de la santé publique, tout le monde s’intéresse au bio. Par ailleurs, nos produits étaient déjà bio. Il nous fallait uniquement les faire certifier. Nous avons fait passer des certifications à certains de nos fournisseurs.  Le choix du bio était également une opportunité de tracer nos produits, afin de lever  la suspicion constante sur leurs origines.

Vos matières premières viennent de l’Afrique de l’Ouest (Mali Sénégal, Burkina), et vous soutenez essentiellement les coopératives de femmes. Pourquoi ce choix ? Quelles sont les spécificités des coopératives partenaires ?

Nous avons choisi les coopératives de femmes parce que je pense qu’en Afrique de l’Ouest les femmes sont plus sérieuses et plus travailleuses dans l’agroalimentaire. C’est grâce à elles que nous en sommes là aujourd’hui. Elles  s’impliquent totalement dans leur travail.
Mon avis personnel est que les hommes travaillent pour le gain rapide et négligent quelquefois la qualité. Nous avons fait le pari du long-terme, gagner des clients et ne pas les perdre. En travaillant avec les femmes nous avons mis en place des partenariats qui garantissent cette qualité.

Les coopératives du Sénégal fournissent la poudre de baobab et d’hibiscus. Le kinkeliba est produit par les coopératives maliennes. Je connais personnellement ces coopératives parce que je vais à leur rencontre chaque fois que je peux. Je continue à les soutenir autant que possible et j’essaie de leur ouvrir des portes chaque fois que je peux.

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Sur le long terme avez-vous une ambition d’unité de production en Afrique ?


C’est la finalité de notre projet :  créer une marque internationale, fabriquée dans n’importe quel pays africain. Aujourd’hui les produits de grandes marques sont consommées mais personne ne se pose la question du lieu de production. C’est à ça que nous voulons arriver.
J’ai vite compris que tout ce qui était fabriqué en Afrique était destiné aux épiceries de quartier. Je n’ai pas voulu suivre cette voie-là. Si aujourd’hui on retrouve certaines marques d’épicerie fine afro dans des grandes enseignes comme Les Galeries Lafayette ou Le Bon Marché, c’est parce que Moriba a tracé le chemin.

Est-ce que vous vendez beaucoup de plats cuisinés ?

La nouvelle génération achète beaucoup de sauces cuisinées. Ils ont compris le message. Les sauces sont des aides à la cuisine, elles vous permettent d’aller vite. Elles n’ont pas forcément votre goût personnel. A vous donc d’y ajouter ce petit truc qui va vous permettre de vous approprier la recette.

Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un qui veut entreprendre dans votre domaine ?

Avant le gain, il faut déjà aimer ce que vous faites. N’essayez pas de réinventer la roue, mais soyez créatifs.  N’essayez pas de copier les autres. Ne pensez pas que l’argent fera le travail à votre place.
Si vous êtes convaincus par votre produit, vous allez convaincre les autres.
J’arrive à embarquer les gens dans mes rêves. Quand on est dans ses rêves on arrive pas à voir les difficultés. On avance et quand on se plante on se relève. Je me suis beaucoup planté mais je n’ai pas lâché.
Chaque entreprise a ses spécificités. N’hésitez pas à demander de l’aide lorsque vous êtes bloqués. Mais surtout ne travaillez pas pour l’argent. Faites-vous plaisir : c’est dans le plaisir qu’on réussit.

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